un conte filmé par pierre kast pour les plus enfantins des enfants: les adultes
(sous-titre sur l’affiche originale des Soleils de l’île de Pâques)
Retrouvé récemment alors que je cherchais le nom du film qui m’avait fait connaître la géomancie, Les soleils de l’île de Pâques est un de ces OVNI qui jalonnent le mur de mon inspiration sans que je sache trop comment les expliquer.
Sur le site d’UniFrance, l’organisme chargé de la promotion du cinéma français dans le monde, on peut lire le synopsis suivant:
Trois hommes – Maurice [un géomancien] , Irenio [un prêtre] et Helvio [un scientifique] – et trois femmes – Alexandra [une médium], Françoise [une ethnologue] et Norma [une astronome] – sont victimes d’hallucinations. Ils voient apparaître un petit disque de nacre indélébile dans la paume d’une de leurs mains. Ces six personnes se retrouvent et se reconnaissent à ce signe dans un port du Chili, où ils embarquent pour l’Ile de Pâques. Un dernier « élu » se joint à eux. Il s’agit d’Alain, un psychiatre français.
Le scénario en lui-même ressemble à une de ces histoires de la collection Anticipation des éditions Fleuve Noir, un vieux film des années 50, ou peut-être un segment de la série Twilight Zone (Quatrième dimension). Désolé, je vais « spoiler » la fin, mais le message que reçoivent les élus vient de l’espace, d’où des êtres supérieurs nous contactent et finissent par rebrousser chemin, horrifiés par notre violence primitive. Ils reviendront quand nous aurons évolué. Un classique.
Ce qui l’est moins, c’est que ce film de science-fiction est français et date du début des années 70. Le genre n’est guère prisé, chez nous, à l’époque. Et ceci explique peut-être le pavé justificatif qui accompagne l’affiche originelle:
Les contes commencent habituellement par « il était une fois », celui-ci commence par « il pourrait y avoir une fois ». Car la science-fiction, tout à la fois parabole, extrapolation, recherche d’une nouvelle logique, premier brouillon d’un cadastre de l’inconnu est aussi, avant tout peut-être, une incitation au rêve éveillé. La science-fiction ouvre le chemin des étoiles à ce cheval impétueux qui était au pacage dans l’enclos de la logique et du rationnel: l’imagination.
Rien qu’à lire ce texte, on entend la voix des narrateurs de l’époque.
D’ailleurs le film lui-même est presque entièrement narré en voix off par le protagoniste français, interprété par Maurice Garrel, sociétaire de la Comédie française et habitué des caméras de la Nouvelle vague. Sa voix nous emmène dans des digressions surprenantes qui vont de la géomancie, art divinatoire perdu, à l’énergie solaire (« par delà les siècles, la science donne la main aux rêves des alchimistes »), en passant par des considérations politiques qui fleurent bon le gauchisme d’antan.
Maurice raconte à une femme l’aventure qui lui est arrivée. Il s’attarde sur la biographie des autres personnages, en se plaçant comme narrateur omniscient, mais il ne ménage aucune place pour l’aventure. Ses interventions sont documentarisantes, et les quelques scènes dramatiques sont comme plaquées sur son récit. Tout est artificiel à dessein. On est dans l’anti-spectaculaire, à des années lumières de ce qu’Hollywood pourrait faire de ce sujet (on pense notamment à Rencontres du troisième type). Le spectateur des années 2010 s’ennuie copieusement devant ce film désuet.
Après les lenteurs du premier acte, où le film prend tout son temps pour nous présenter les protagonistes, le manque de véritable intrigue (ou en tout cas de tension dramatique) s’avère lassant. Et puis, alors que le cœur de l’histoire se précise, qu’on approche de la résolution de l’énigme, tout s’accélère et on reste sur sa faim.
Le film peut laisser des souvenirs, malgré tout. On y voyage beaucoup, jusqu’à l’île de Pâques que les « élus » atteignent par la mer à partir de Valparaiso. (On comprend mal, d’ailleurs, la scène où l’une d’entre eux atterrit à Hanga Roa mais décide de ne pas quitter l’avion). On voit les moaï, bien sûr, qui sont décrits comme des statues probablement d’origine extra-terrestre, au centre de l’énigme qui réunit les personnages dans leurs visions communes. Alors que les autres lieux visités sont filmés avec un réalisme marqué, Rapa Nui est montrée comme une île désertique. En dehors de son aéroport, la ville d’Hanga Roa voit son existence effacée pour accentuer le côté mystérieux de l’endroit.
Car ce film baigne aussi dans la théorie des « anciens astronautes » qui auraient visité notre planète dans un passé lointain et seraient à l’origine des mythes de l’humanité.
Bref. Ce n’est pas un chef d’oeuvre mais, pour reprendre les termes de Télé 7 jours lors de sa diffusion: « Candide parfois, intellectuel souvent, le résultat ne manque pas d’un certain charme envoûtant. »
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J’ai dû voir ce film lors de la diffusion en question, vers la fin des années 70. J’avais vu Star Wars et j’étais déjà imprégné de la théorie des « anciens astronautes » par mes lectures de comics. Je traquais activement toute la science fiction que je pouvais trouver. La seule mention du genre me suffisait pour apprécier une oeuvre.
En revanche, je trouve significatif que mon seul souvenir de ce film avant de le revoir, c’était la première scène; celle où Maurice explique en détail la géomancie. J’ai dû vraiment m’ennuyer pour ne pas me rappeler d’y avoir vu l’île de Pâques.
Jusqu’à ce que je fasse une recherche avec les mots clés « géomancie; film; français; 1970 », je ne m’attendais pas à ce que ce vieux souvenir soit lié à mon expérience récente. Curieux. Pourtant, j’en suis certain, mon image de Rapa Nui avant d’y mettre les pieds était teintée de ces images ésotériques.
Mais non. Pour moi, Les soleils de l’île de Pâques parle surtout de géomancie. Et c’est à ce titre qu’il apparaît, même flou, sur le mur de mon inspiration.
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La géomancie
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Notre visite de l’île de Pâques [planaomai.org « Errances terriennes »] Rapa Nui
Et si vous voulez quand-même voir le film:
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