Ecrire une série à plusieurs mains dans un univers partagé, vu mes influences, c’était plus qu’une évidence, presque une destinée manifeste. L’idée sommeillait en moi depuis quelques années déjà. Il ne faudrait pas grand chose pour que le big bang arrive. Comme souvent, la genèse de cette création, eut lieu au détour anodin d’une conversation. Celle-là se déroulait avec l’éditeur Henri Dhellemmes.
C’était peu de temps après la sortie de Dynastie: Apologie de la démesure.
Je ne me souviens plus trop de l’ordre des événements mais Henri m’a demandé si je connaissais quelqu’un qui pourrait écrire un guide sur la série Friends.
Le phénomène déferlait sur la France et j’avais été au rendez-vous, bien sûr, dès la diffusion du premier épisode sur Canal Jimmy.
Rapidement, je me suis retrouvé à discuter de tout ce que je savais sur les sitcoms américaines. Je me suis attardé sur The Golden Girls, qui reste à mes yeux la meilleure production comique des années 80, et sur Cheers, une série qui se déroule dans un bar et qui reste inédite en France.
De fil en aiguille, nous en sommes venus à imaginer une série sur le même modèle pour sa maison d’édition, avec un groupe de friends qui se retrouveraient dans un bar gay, avec, pourquoi pas, un vieux travelo au piano…
Mais le véritable acte de naissance de l’univers de la série est arrivé quand, à un autre détour de la même conversation, nous avons évoqué les pays imaginaires qui peuplent certaines de nos œuvres de référence respectives : la Moldavie de Dynastie [le nom est réel, mais pas le pays], la Syldavie de Tintin, la Latverie des comics Marvel… Ainsi naquit la Bravachie, qui donnerait sa particularité géopolitique au monde que nous étions en train d’imaginer.
Comme ses homologues — et parce que nous jouions avec les clichés — la Bravachie serait un petit état des Balkans, ses habitants auraient des noms qui ressembleraient aux adjectifs français en /re/, comme Pietr, Glabr, ou Macabr, on y trouve des morceaux de Zadko Preskovitch et son kloug aux marrons [Le Père Noël est une ordure]. Bien entendu, son économie est basée sur la production de crucifix et de manches de pioches, et son emblème est un aigle à trois têtes. C’est vraiment la création de la Bravachie à la fin d’un repas bien arrosé, qui a mis en route l’univers des Heures joyeuses. Il y avait une géographie, il ne manquait plus qu’une histoire.
De retour à Rouen, c’est avec Sébastien Monod et Frédéric Lebrun que nous avons continué à filer ce qui deviendrait une belle petite tapisserie, cette fois en rédigeant la Bible de la série.