« Le commencement est un moment d’une délicatesse extrême. Sachez donc que l’on est en l’an 10191. L’univers connu est gouverné par l’Empereur Padishah Shaddam IV, mon père. A cette époque, la plus précieuse substance de l’univers est l’épice mélange. L’épice accroît la longévité. L’épice amplifie le champ de conscience. L’épice est vitale au voyage dans l’espace. L’épice a fait des navigateurs de la Guilde spatiale des mutants après 4000 ans d’usage. Car ils absorbent le gaz orange qui leur donne le pouvoir de replier l’espace. C’est à dire de se transporter n’importe où dans l’univers sans se déplacer. Ah oui, j’oubliais de vous dire: l’épice n’existe que sur une seule planète dans tout l’univers. Désolée, aride, cette planète possède de vastes déserts. Caché dans les cavernes et les rochers de ces déserts vit un peuple connu sous le nom de Fremen qui, depuis longtemps, prophétise la venue d’un homme – d’un messie – qui les conduirait vers la véritable liberté. Cette planète, c’est Arrakis, aussi connue sous le nom de Dune. »
Cette ouverture du film Dune de David Lynch (1984) réussit la tâche difficile d’introduire le néophyte à un univers fictif d’une complexité rare (elle est plus fluide en anglais, mais bon…). Une version plus complète ajoute des détails importants qui montrent la véritable ampleur de la situation de départ du roman.
Dune – Le livre
Dune, c’est d’abord un roman de Frank Herbert sorti en 1965 et l’ouvrage de science-fiction le plus vendu au monde. Il a donné lieu à six suites, et continue d’évoluer depuis la mort de l’auteur sous la plume de son fils, Brian Herbert et de Kevin J. Anderson. Le cycle originel a été écrit sur vingt ans et retrace 5000 ans d’une dynastie interstellaire, centrée autour de la planète Arrakis et de son épice. Les intrigues politiques sont au cœur de la narration, mais les mondes qu’on y explore sont riches en détails fascinants. Dune est, avec Le Seigneur des anneaux, un des modèles majeurs de création de monde fictif. Du langage à l’écologie, tous les détails de la planète Arrakis sont minutieusement étudiés et participent à l’intrigue. Comme le fera Star Wars une douzaine d’années plus tard, Dune présente un futur qui a une histoire. Au détour parfois de quelques mots, on ressent la profondeur de l’univers que l’on explore. Ce n’est pas une lecture facile, mais c’est une expérience inoubliable.
L’histoire
Onzième millénaire. Le Duc Leto, de la Maison des Atréides, a reçu de l’empereur Padishah Shaddam IV le fief de Dune, appelée aussi Arrakis, où est produite l’épice, dispensatrice de longévité et de prescience ; elle est aussi utilisée par la Guilde des Navigateurs. Dame Jessica, membre de l’ordre occulte du Bene Gesserit, a désobéi en donnant à Leto un fils, Paul. Lequel est pressenti par le Bene Gesserit comme étant le Kwisatz Haderach, sorte de surhomme issu de sélections génétiques, destiné à diriger l’humanité. La Maison s’installe sur la planète-désert, habitée par un peuple nomade réfractaire à l’Impérium, les Fremen. Mais le piège organisé par une Maison du Landsraad concurrente, les Harkonnen, avec l’appui secret de l’Empereur, se referme et Leto est assassiné par son médecin, Wellington Yueh, à la solde de Vladimir Harkonnen, tandis que des Sardaukars (gardes impériaux) attaquent les Atréides. Paul et sa mère sont contraints de se réfugier dans les sietchs fremens. C’est là que Paul a la “révélation de l’épice”, et acquiert la prescience. Il parvient à se faire accepter comme l’un des leurs, puis comme le Messie attendu depuis des générations ; la croisade (Jihad) qu’il entreprend triomphe du Baron Harkonnen et de l’Empereur lui-même, dont il épousera la fille Irulan. Dans cette trame complexe se détachent des personnages forts : Thufir Hawat, mentat de Leto, Gurney Halleck, le guerrier-troubadour, Duncan Idaho, le maître d’armes qui mourra pour son maître, Chani, la concubine Fremen de Paul…
Résumé : Blog Belial
Dune – Les films
Au-delà du cercle des lecteurs de science-fiction, Dune a connu un renouveau d’intérêt avec le film de David Lynch en 1984. Reprenant le flambeau de nombreuses productions avortées, Lynch, qui ne connaissait pas le livre quand on lui a proposé le projet (il avait même compris June quand on lui en a parlé), a laissé une trace visuelle et sonore indélébile dans l’esprit des cinéphiles.
Dune est probablement l’oeuvre dont David Lynch lui-même est le moins fier. Pour des raisons diverses (budget, final cut…), le produit fini ne correspond pas à ce qu’il voulait faire. Il n’en reste pas moins que le film est devenu un classique du genre. On n’imagine plus les vers des sables autrement qu’avec les trois mâchoires qu’on leur découvre dans cette version. Visuellement, la production est impressionnante. Certes, les effets spéciaux auraient pu être mieux soignés, mais les décors et les costumes sont impeccables. Sans parler – c’est une constante chez ce réalisateur – du travail sur le son.
Il y a, bien sûr, beaucoup à redire, sur cette adaptation. Elle est très fidèle aux premiers chapitres du livre et saute très rapidement à la fin. Mais il reste indéniable que David Lynch a réussi à produire ce film réputé infaisable après que d’autres noms prestigieux s’y soient cassé les dents.
Rétrospective
Le producteur de La planète des singes
En 1972, Arthur P. Jacobs, producteur de la Planète des singes, acquiert les droits d’adaptation du roman. David Lean (réalisateur) et Robert Bolt (scénariste), à qui on doit le succès de Lawrence d’Arabie et Dr Jivago, doivent prendre les rênes du projet. Avec un budget de 15 millions de dollars, le tournage est prévu en Turquie et le film est annoncé pour 1974. En 1972, Rospo Pallenberg remplace Bolt pour l’écriture du script (on lui devra plus tard Excalibur et La forêt d’émeraude). La mort de Jacobs, en 1973, met fin au projet. Sa société, APJAC, décide de ne pas conserver l’option sur les droits d’adaptation.
Avant l’incal
Un autre projet débute en décembre 1974, quand un consortium français rachète les droits et confie l’adaptation à Alejandro Jodorowski. Cet artiste franco-chilien est connu à l’époque pour ses films El Topo (1970) et La Montagne sacrée (1973) et ses performances au sein du Mouvement panique (avec Arrabal et Topor).
Jodorowski, à qui le producteur Michel Seydoux donne carte blanche, a une vision personnelle de Dune. Il veut un film à l’image messianique du personnage principal. Et pour ce faire, il cherche à s’entourer des meilleurs. Pour les effets spéciaux, il contacte Douglas Trumbull (2001: L’odyssée de l’espace) qui décline l’offre. Dan S. O’Bannon (Dark Star) est son deuxième choix. Pour le storyboard, il rencontre un dessinateur de bandes dessinées dont il apprécie le trait : Jean Giraud, alias Moebius. Ce dernier produit un découpage plan par plan de tout le film, ainsi que l’ébauche des visuels pour les personnages. Les décors et les vaisseaux sont dessinés par Chris Foss, un illustrateur très en vogue à l’époque et au style très reconnaissable. S’ajoute à ces grands noms celui qui deviendra célèbre en 1979 en créant la créature d’Alien, H.R. Giger. Pour la musique, Jodorowski approche Pink Floyd et Magma. Viennent ensuite les comédiens pressentis pour les rôles principaux : David Carradine (Kung Fu) pour le duc Leto Atréides, Mick Jagger pour Feyd Rautha, Orson Welles pour le baron Vladimir Harkonnen. Pour le rôle de l’Empereur, Salvador Dalí a accepté le rôle à condition de devenir l’acteur le mieux payé du monde (Seydoux lui proposera 100 000 dollars par minute utile).
Le projet devient pharaonique… Curieusement, il n’a jamais vu le jour.
Il est raconté en détail dans le documentaire Jodorowski’s Dune (2014).
Ce projet avorté trouve de nombreuses ramifications dans l »oeuvre de ceux qui y ont participé. Et parmi les chefs d’oeuvre qui sont nés de ces ramifications, on trouve les aventures de John Difool, par Jodorowski et Moebius, dans la série L’Incal.
Après les xénomorphes
En 1976, les droits passent au producteur italien Dino de Laurentiis. En 1979, fort du succès d’Alien, Ridley Scott est embauché pour le réaliser Dune. Curieusement, les visuels d’Alien avaient été confiés à H.R. Giger et Chris Foss, ce qui donne une idée de l’aspect qu’aurait pu avoir le film de Jodorowski. Pour cette version, Giger reste sur le projet. Mais c’est alors l’adaptation du roman qui devient problématique. De Lautentiis l’a confiée à Herbert lui-même, pour un résultat peu probant. Rudolph Wurlitzer (Pat Garrett et Billy the Kid) et Ridley Scott arrivent péniblement à produire un premier jet du script, que Herbert, à son tour, trouve sur-simplifié. En 1980, Ridley Scott quitte la production pour se consacrer à Blade Runner.
Sept scripts et un goût amer
C’est alors que David Lynch (Eraserhead; Elephant Man) est contacté par De Laurentiis pour reprendre le flambeau. Il faudra six versions du scénario pour arriver à celui qui finira par être tourné en 1983. Une septième version sera réécrite pendant le tournage.
Contrairement aux fans du genre qui considèreent ce film comme un classique, David Lynch n’est pas satisfait du résultat.
D’autres productions ont suivi.
Quand SciFi ne s’écrivait pas SyFy
En, 2000, c’est Richard P. Rubinstein qui acquiert les droits d’adaptation des six romans de Frank Herbert. Pour lui, cette oeuvre doit être développée sous la forme d’une mini-série. Sur une durée équivalant à plusieurs longs métrages, l’adaptation peut se permettre une plus grande fidélité au texte original, même au prix d’un budget plus limité.
Frank Herbert’s Dune est diffusé sur SciFi en 2000, suivi en 2003 par Frank Herbert’s Children of Dune. Alec Newman joue le rôle de Paul Muad’Dib. William Hurt et Susan Sarandon sont les deux seuls grands noms de cette production. Les effets spéciaux sont moins ambitieux, mais l’histoire est rendue facile à suivre et l’univers des romans est bien respecté. C’est la première fois que l’adaptation dépasse le premier volume de la série. En revanche, les trois derniers romans du cycle résistent encore à l’adaptation.
Les moutons électriques
Aujourd’hui on attend une nouvelle version de Dune, réalisée par Denis Villeneuve (Premier contact), prévue pour 2019. Ironie du sort : alors que Ridley Scott a quitté la production pour se consacrer à Blade Runner (adaptation du roman Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques de Philip K. Dick), c’est fort de son travail sur la suite, Blade Runner 2049, que Villeneuve a décroché ce contrat.
Avec le succès des super-productions hollywoodiennes, il n’est pas exclu de voir cette entreprise devenir enfin la franchise qu’on espère.
Arrakis et Enghashel
L’influence de Dune sur la conception des Chroniques d’Enghashel est au moins aussi importante que celle des comics. C’est très sensible dans l’histoire de Llyna netVadny elle-même. Mais si je devais isoler un élément dans l’univers de Herbert sans lequel mon propre cycle ne serait pas ce qu’il est, je choisirais un détail qui peut paraître insignifiant. Ce qui a donné à la culture enghashide son pilier central, c’est le tarot de Dune.
La mystique de Dune est marquée par les religions monothéistes. On y parle à la fois de jihad, de Bible catholique orange et de messie. Ce n’est pas la base de mon inspiration personnelle, qui est plus mythologique. En revanche, le fait qu’il y ait un « tarot de Dune » apportait pour moi la touche ultime de cohérence à l’univers de Frank Herbert. Evidemment, c’est loin d’être la seule, mais elle participe de ce « futur qui a une histoire » dont je parlais plus haut et qui a donné tout son cachet à Star Wars. Il serait faux de dire que le tarot est l’aspect de Dune qui m’a le plus inspiré, mais c’est celui qui m’a donné envie d’explorer plus avant le concept de ce système divinatoire. C’est clairement parce qu’il y a un « tarot de Dune » qu’il y a un « tarot de Gaha ».
Et c’est parce qu’il y a un « tarot de Gaha » que les Chroniques ont fini par voir le jour.
Aller plus loin
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Ici
Divination de comptoir – Les origines de la mystique d’Enghashel (3) [lien]
Le tarot de Gaha [lien]
Le tarot de béton [lien]
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Ailleurs
Le tarot de Dune
En VF, un des rares articles sur le sujet [lien]
En anglais quelques détails complémentaires [lien]
Dune dans la série littéraire « Alchimie d’un roman »
Les adaptations de Dune (documentaires en VO)
Site sur Dune
Dune world [lien]
Illustrations de Dune
Eduardo Peña (l’image en tête de cet article) [lien]
Chris Foss – Site officiel [lien]
H.R Giger – Galerie « Dune » [lien]
Moebius – Galerie « Dune » [lien]
David Lynch – Illustrations Conceptuelles [lien]
Daid Lynch – Storyboard [lien]
Divers concepts [lien]