Twin Peaks, saison 3, épisodes 5 et 6 sont traités ici ensemble comme la fin du premier acte. Ce n’est qu’une question de temps avant que les choses démarrent.

Dans la continuité d’Une cartographie de l’inconscient, mais délibérément sans notes, sans croiser mes informations et après un visionnage unique, je livre ici mes impressions, épisode par épisode, sur la troisième saison de Twin Peaks. L’analyse s’affinera sans doute et je suis prêt à voir mes interprétations contredites dès l’épisode suivant. C’est aussi le charme de l’oeuvre : on ne sait jamais à quoi s’attendre.

SPOILER ALERT : Ces notes sont publiées avec un décalage de plusieurs semaines par rapport à la première diffusion de chaque épisode, mais pour ceux qui n’ont pas encore vu la série, elle contiennent des informations qui peuvent gâcher le plaisir de la découverte.

Un très long premier acte

Bon, il faut l’admettre, ces deux épisodes sont un peu pénibles à regarder. Le temps lynchien qui s’éternise s’avère lassant. Et quand il s’applique à Dougie Jones, il peut taper sur les nerfs. On arrive à la fin du premier tiers de la série avec de sérieux doutes sur la suite des événements.

Malgré tout…

Cooper commence à retrouver les mots clés de son activité d’agent du FBI dans la vie de l’assureur. Ce qui est intéressant, c’est qu’on voit par les yeux de son double artificiel une indication de la manière dont son esprit de déduction fonctionne. Une fois de plus, la saison 3 décode les mystères de l’incarnation précédente de la série. Les intuitions quasi-mystiques du jeune Dale Cooper se manifestent en flammes magiques et en points lumineux quand la caméra nous permet de partager les sens de Dougie.

Quand il dessine des symboles cryptiques sur ses dossier d’assurance, le motif de l’échelle apparaît. Dans un premier temps, connaissant Mark Frost, on peut penser à l’échelle de Jacob, qui relie le ciel et la terre et par laquelle les anges peuvent monter et descendre. En conséquence, le dessin suivant (une suite de zig-zags qui peut sembler familière) se trouve ré-encodé par sa proximité avec l’échelle : le motif du sol de la chambre rouge devient un escalier…  Et, typiquement, ce symbole facile du cheminement de la conscience de Cooper dans l’esprit de Dougie Jones reprend un sens mystérieux quand le patron de la compagnie d’assurance y voit un signe du génie de son employé… Et c’est tout ce jeu qui rend la série fascinante.

Les dessins de Dougie Jones

Dans le même temps, la vie de ce deuxième double avant le retour de Cooper s’avère (surprise !) bien plus complexe qu’elle n’apparaît au premier abord. Comme tous les habitants de Twin Peaks, il a des secrets (une liaison et une addiction au jeu) et (surprise !) il est lié aux mystères « rose bleue ». Non seulement on apprend que les hommes qui cherchent à lui nuire sont liés au doppelgänger et à Philip Jeffries, mais son alliance est retrouvée dans le corps décapité du premier épisode. Corps qui porte les empreintes digitales du major Briggs.

Les empreintes digitales sont un motif important de l’épisode 5. Le détective Tammy Preston découvre que les empreintes de celui que le FBI prend encore pour Cooper sont inversées.

Tammy Preston compare les empreintes

Le doppelgänger et Bob sont toujours unis. En revanche, force est de constater que ce duo est bien plus néfaste que celui que Bob formait avec Leland Palmer. En tout cas, son rayon d’action est bien plus large. Le « mauvais » Cooper dispose d’un impressionnant réseau de malfrats, de trafiquants et de tueurs qui sévissent jusqu’au-delà des frontières. On a visiblement affaire à une relation différente qui, comme je le suggérais dans la Cartographie, semble relever de la symbiose, plus que de la possession. On notera que les visages sont mélangés, cette fois (et ce n’est sans doute pas seulement dû au décès de Frank Silva).

Tu es encore là, c’est bien.

Twin Peaks, la nouvelle génération

La nouvelle génération semble vivre exactement les mêmes tourments que la précédente. Becky Briggs, la fille de Shelly et Bobby, mariée à un petit trafiquant de drogue, a des faux airs de Laura Palmer. Richard Horne, lui aussi impliqué dans des trafics divers, semble vouloir devenir le digne héritier de Ben en tant que salopard du coin. Les activités douteuses liées à la proximité de la frontière n’ont pas cessé depuis 25 ans.

Becky Briggs sur le chemin de Laura Palmer ?

La folie ambiante est toujours de mise. Les drames conjugaux et familiaux sont encore nombreux. Cette fois — du moins pour le moment — ces éléments semblent juste rappeler l’ambiance des saisons précédentes et n’avoir aucun lien avec le monde surnaturel.

Sauf que…

Carl Rodd, le propriétaire du caravaning où vivait Teresa Banks s’avère lui aussi lié au loges (on le savait à la lecture du livre de Mark Frost, il a été enlevé en même temps que Margaret Lanterman). Quand Richard Horne renverse et tue un jeune garçon, il voit son âme s’élever vers le ciel, peut-être même l’y conduit-il à la manière de l’ange à la fin de Fire Walk With Me (le thème musical est très similaire).

Carl Rodd, angélique

Au bout de six épisodes, Hawk réussit enfin à trouver l’indice évoqué par la femme à la bûche dès le pilote : il s’agit de pages déchirées du journal secret de Laura Palmer.

 

Une double question de temps

On ressort de ces épisodes avec une frustration et un espoir.

La frustration est issue de cette lenteur dans laquelle se complaît Lynch. Ces six épisodes constituent un premier acte interminable.

La déception principale, quand on regarde l’épisode 5, c’est l’absence du personnage mystérieux dont Albert dit :  » Je sais où elle boit ».

Diane apparaît fugitivement dans l’épisode 6

L’espoir arrive avec la résolution du premier mystère et le fait qu’il soit lié à Laura Palmer. On termine ce cheminement en terrain familier. Ce n’est qu’une question de temps avant que l’action prenne son envol.

Et dans ce temps fait de longueurs, on a l’occasion de se poser de nouvelles questions sur la nature du temps lui-même entre les deux mondes de Twin Peaks.

Si le corps décapité est bien celui de Dougie, les scènes où il apparaît sont-elles situées dans le même temps que le reste de l’histoire ? Si Philip Jeffries reconnaît Cooper comme son doppelgänger quand il réapparaît dans Fire Walk With Me, n’y a-t-il pas là aussi un glissement temporel ?

Do you know who this is?

 

A la fin de ce premier acte,  on se demande quand même si les deux tiers suivants de la série seront suffisants pour résoudre toutes les intrigues.

 

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